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Shelly Masi

Queen Kong de Cachan

Elle a réalisé son sogno nel cassetto* : étudier nos cousins, pas si lointains. Quand elle n’est pas au plus près des gorilles des plaines centrafricaines de l’Ouest, elle renoue avec sa propre nature dans une autre Plaine, celle de Cachan.

Du Muséum à Cachan, il n’y a qu’un pas. Comme 2 autres chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), dont l’éco-acousticien Jérôme Sueur (voir N°352), la primatologue s’installe à Cachan. Pour suivre son compagnon, elle quitte alors « à regret » le Marais. « Je viens de la ville, lui de la campagne sarde ». Mais il fallait un compromis et « je n’ai jamais regretté car ici, tout est mieux qu’à Paris. La nature, les jardins, les balades entre les jolies maisons, l’impression d’être en vacances », déclare celle qui est née avec la passion animalière. D’ailleurs, quand son père est muté à Addis- Abeba pour y enseigner, elle est la seule de la famille à se réjouir.

Loi de la jungle au féminin

À 5 ans déjà, elle connaît toutes les espèces d’animaux du Kenya. En regardant des documentaires sur les chimpanzés, elle réalise que les primates se font « la guerre, comme les humains », une véritable déception. Jusqu’au jour où, à 8 ans, elle découvre des gorilles des montagnes en train d’observer, puis de caresser un caméléon. Cette empathie la bouleverse et conforte sa vocation. Elle doit se battre avec son père, qui la rêve médecin ou ingénieure, pour s’inscrire en biologie animale à l’université de Rome La Sapienza où elle rencontre la seule professeure qui étudie la faune sauvage. Un jour, une place se libère pour l’Afrique centrale. Elle quitte tout, y passe 12 mois sans eau courante ni communication. Elle a 23 ans. Son objet d’étude ? Les gorilles de l’Ouest peu connus et difficiles à observer, leur habituation à la présence humaine pouvant durer jusqu’à 8 ans. Depuis, elle en assure un suivi inédit en immersion, en collaboration avec le WWF de la République centrafricaine et le peuple de la forêt Aka dont elle a appris la langue. Parallèlement à ses recherches sur le comportement alimentaire de ces géants, elle forme des étudiants. Des femmes principalement car « j’entends dire qu’elles sont parfois plus endurantes que les hommes », plaisante-t-elle. Elle a aussi mit à profit son congé maternité pour écrire Queen Kong, à la demande insistante de son éditeur. Un essai palpitant, loin de l’image du gorille machiste, qui décrit entre autres une société où les femelles prennent le pouvoir et votent pour s’organiser dans leur recherche de nourriture. Une chose est certaine : la fascination de Shelly Masi pour ces colosses menacés d’extinction est, elle, contagieuse.

* Littéralement : le rêve dans le tiroir, soit celui qu’on pense ne jamais réaliser.

Bio express

14 mai 1977 : Naissance à Rome

1982-1985 : Vit à Addis-Abeba, Éthiopie

2008 : Diplôme doctoral de La Sapienza et de l’Institut Max-Planck en anthropologie évolutionnaire, Leipzig

2000-2001 : 1er séjour dans le parc national de Dzanga-Ndoki, République centrafricaine

2013 : Enseignante-chercheur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris (depuis 2008) et cheffe de mission pour la conservation et la recherche sur les gorilles de l’Ouest en Afrique centrale

2017 : Installation à Cachan

Mai 2025 : Parution de Queen Kong, la loi de la jungle au féminin (éd. Albin Michel)

Crédit photo : Henri Perrot / Ville de Cachan